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Œuvres d'art
John LymanBeach Scene - La Grande Plage, 1956 (circa)1886-1967SoldInscriptions
signed, ‘Lyman’ (lower right)Provenance
Dominion Gallery, Montreal, March 1956, Inventory No. D2050
Galerie Walter Klinkhoff Inc., Montreal
Acquired from the above in February 1958 by Alan O. Gibbons, Ottawa
Heffel Fine Art Auction House, Fine Canadian Art, 23 May 2007, lot 183
Property of a Distinguished Montreal Collector
Expositions
Quebec City, Musée national des beaux-arts du Québec, Morrice and Lyman in the Company of Matisse, 8 May 8- 7 September 2014; Kleinburg, Ontario, McMichael Canadian Art Collection, 4 October 2014- 4 January 2015, cat. no. 112.
Documentation
Guy Viau, "Paroles de Peintre", Cahier d’Essai no. 2, January 1960, p. 25 - 27.
Louise Dompierre, John Lyman 1886 - 1967 (Kingston: Agnes Etherington Art Centre, 1986), similar works entitled The Beach, St-Jean-de-Luz reproduced page 138 and The Beach, St-Jean-de-Luz II reproduced page 139.
Michèle Grandbois, Lucie Dorais, Richard Foisy, François-Marc Gagnon, Marc Gauthier and John O’Brian, Morrice and Lyman in the Company of Matisse, ed. Michèle Grandbois (Richmond Hill: Firefly Books Ltd, 2014), 204, 247 [reproduced].
Catalogues
John Lyman, Peintre, directed by Fernand Dansereau (Office National du Film du Canada, 1958), 30 min.John Lyman, Beach Scene - La Grande Plage
par Michèle Grandbois
À la faveur d’une brève apparition dans le documentaire de l’Office national du film du Canada, Je vis par les yeux, - diffusé à la télévision de Radio-Canada en 1958 et produit en film en 1959 [1], Beach Scene - La Grande Plage sortit brièvement de l’ombre de la sphère privée pour n’en émerger à nouveau qu’un demi-siècle plus tard, lors d’une vente aux enchères à la maison Heffel (2007). Dans l’ouvrage le plus abouti sur John Lyman, Louise Dompierre avait évoqué son existence, sans plus. Tant et si bien qu’en 2007 sa découverte fut accueillie avec empressement, ramenant sur le devant de la scène une thématique qui avait inspiré le peintre à toutes les étapes de son parcours. En effet, Lyman ne s’était jamais lassé du pouvoir expressif des bords de mers et de lac. Ce voyageur infatigable les a peints des Bermudes à la Barbade, de Trouville à Cagnes-sur-Mer, à Àguilas, à Hammamet, à St. Jean-de-Luz, à San Sebastián, et, plus proche de nous au lac Ouimet dans les Laurentides et à Cape Cod dans le Massachusetts. Il a capté les lumières chaudes qui s’étirent le long des rivages sablonneux, parfois désertés, le plus souvent animés de vacanciers, de baigneurs, de tentes rayées, d’ombrelles et de parasols colorés. Son éblouissante vue de la plage Saint-Jean-de-Luz (1929-1930), aujourd’hui au Musée des beaux-arts du Canada, figure parmi les scènes balnéaires les plus célèbres de la peinture canadienne, aux côtés de celles de James W. Morrice et de Clarence A. Gagnon. En revanche, la peinture de Lyman ne s’accordait pas aux annotations simplifiées et aux impressions fugitives de ses compatriotes. L’artiste définissait sa peinture de classique : elle était le résultat d’une approche réfléchie visant une sérénité qui se manifestait dans l’équilibre et la stabilité des masses chromatiques. Ces principes, Lyman les tenait de son maître Henri Matisse qui avait forgé sa pensée esthétique lorsque, à vingt-quatre ans, le Montréalais fréquenta quelques mois son académie à Paris en 1910. Dès lors il fera sien le célèbre aphorisme de Matisse qui visait « un art d’équilibre, de pureté, de tranquillité », lequel agirait comme « un lénifiant, un calmant cérébral [2]».
John Lyman a peint Beach Scene - La Grande Plage à la veille de ses soixante-dix ans. Cette année-là, en juillet 1956, il nota dans son journal intime : « Quoique je n’ai cessé d’évoluer - et de la seule manière possible, sans choisir - je suis resté contemporain de ma jeunesse [3]. » Ces mots sont révélateurs d’une démarche ancrée dans le terreau fertile que constitua son passage à l’Académie Matisse. Certes, son approche moderniste avait créé le scandale à Montréal en 1912, au point de l’en chasser pendant dix-huit ans. Or à son retour au début des années 1930, il fut accueilli avec enthousiasme par des artistes de la nouvelle génération et des générations successives, non-figuratifs et abstraits, qui lui vouèrent du respect et de l’admiration.
John Lyman n’a pas daté cette scène de plage, - l’origine de provenance tient lieu de marqueur temporel pour sa réalisation [4]-, pas plus qu’il n’a identifié le lieu géographique de la « grande plage » qui longe une vaste baie traversée par deux voiliers. Pourrait-il s’agir d’un souvenir de Cape Cod qu’il aimait fréquenter pendant ses vacances lorsqu’il était professeur d’art à l’Université McGill, à Montréal (1949-1958)? Le peintre n’a pas jugé bon de le préciser.
Dans ce paysage marin, réel ou fictif, vingt vacanciers s’adonnent aux plaisirs de la plage et de la baignade. François-Marc Gagnon avait fort justement remarqué à quel point « paraissait aléatoire la disposition des personnages », tout en s’empressant d’ajouter « néanmoins organisés dans une composition stricte ». La scène est animée de figures en position debout, allongée et assise que l’on perçoit de face, de dos, et de côté. Elles discutent, jouent, se baignent, installent un mât de parasol dans le sable, surveillent et observent les baigneurs. Notre regard s’attarde tout d’abord sur la triade de parasols au centre de l’animation qui génère des associations formelles et chromatiques autour du triangle que dessinent les toiles vertes et orangées. Non seulement les lignes structurantes de la composition évoluent-elles sous cette forme, nous découvrons également que certaines couleurs participent à l’organisation mûrement réfléchie de la scène, comme les accents de teintes rosée, bleu clair, et blanche qui rebondissent sur la surface. De son côté, le blanc éclatant de certains motifs distribue des points de force dans les différents plans du tableau tandis que les ombres projetées, les peaux bronzées des corps et la silhouette noire assise sous le parasol opèrent un retour du balancier. Le caractère vivant de la scène transcende cette solide armature, auquel participe la gestuelle des coups de pinceaux au premier plan qui laissent apparaître les réserves du support à travers la surface de la plage.
L’exposition Morrice et Lyman en compagnie de Matisse, organisée par le Musée national des beaux-arts du Québec en 2014, mit à l’honneur Beach Scene - La Grande Plage dans une suite de paysages de John Lyman qui s’étendait sur cinq décennies. Sur les cimaises de l’exposition, cette œuvre constituait un précieux témoignage de la cohérence et de la longévité d’une démarche authentiquement moderne dont l’expression avait exalté, à l’instar de ses contemporains Matisse et Morrice, la joie et le charme des plaisirs balnéaires, dans la lumière finement teintée d’une journée ensoleillée.
Michèle Grandbois
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Notes de bas de page :
[1] Télévision de Radio-Canada, Je vis par les yeux, dans le cadre de la série " Profils et paysages/Temps présent ", documentaire de l'Office national du film sur John Lyman (conversations avec Guy Viau), Québec, Fernand Dansereau, 1958. Ce documentaire fera l'objet d'un film intitulé John Lyman, peintre en 1959. Beach Scene - La Grande Plage présentée parmi d'autres œuvres.
[2] Henri Matisse, « Notes d’un peintre », La Grande Revue, Paris, t. 53, December 25, 1908, p. 35
[3] John Lyman, Inédits de John Lyman. Textes sélectionnés et annotés par Hedwidge Asselin. Montréal : Ministère des Affaires culturelles/Bibliothèque nationale du Québec, 1980, p. 152 (Journal, 19 juillet 1956).
[4] L'œuvre a été acquise auprès de l'artiste en mars 1956 par Max Stern de la Galerie Dominion de Montréal (fonds de la Galerie Dominion, Musée des beaux-arts du Canada, Bibliothèque et Archives).
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