Bloguele Juillet 2, 2018

La perspective impressionniste de W. H. Clapp dans "Chézy, Valley of the Marne"

Bien qu'on parle de lui en 1908 comme d'un « nouveau venu à ces expositions annuelles de l'ARC et de l'Art Association of Montreal », William H. Clapp, dès son retour d'Europe, où il a principalement séjourné en France et en Espagne, reçoit immédiatement un très bon accueil dans les expositions de l'Art Association of Montreal, comme ce sera le cas aussi régulièrement par la suite. En fait, à l'occasion de l'exposition de 1908 de l'Art Association of Montreal, William Clapp et Helen McNicoll sont honorés conjointement par le prix Jessie Dow en peinture à l'huile; Clapp plus précisément pour son tableau de style impressionniste Morning in Spain. Le Musée des beaux-arts du Canada achète d'ailleurs par la suite le tableau gagnant, en avril de la même année, alors qu'il est présenté dans une exposition de l'ARC à Toronto, dans l'édifice de l'Ontario Artists Society.

 

William Henry Clapp est né en 1879 à Montréal, au Québec, de parents américains. En 1885, la famille retourne aux États-Unis et s'établit à Oakland, en Californie. Clapp revient ensuite au Canada en 1900 et s'inscrit à l'Art Association of Montreal, où il est l'élève de William Brymner. À cette époque, il peint aussi avec Clarence Gagnon à Saint-Joachim et à Baie-Saint-Paul, au Québec. En 1904, il quitte le Canada à nouveau, cette fois-ci en compagnie de Gagnon. À Paris, Clapp étudie à l'Académie Julian, à l'Académie de la Grande Chaumière et à l'Académie Colarossi. Au cours de ces études, Clapp est frappé par l'impressionnisme et le postimpressionnisme qu'il découvre en France et intègre ces techniques dans son propre art.

 

 William Henry Clapp, Chézy, Valley of the Marne, 1908

Huile sur toile, 26 3/4 x 35 1/4 po.

 

En 1906, Clapp passe près d'un an à Chézy-sur-Marne, où il crée sa « première série de toiles impressionnistes ». (Duval, 1972) L'endroit s'avère en effet idéal pour son étude de la lumière. Au premier coup d'oeil, Chézy, Valley of the Marne fait penser à des œuvres comme Les Meules à Giverny, de la célèbre série de Claude Monet, autant par sa palette que par son sujet. Comme Monet, Clapp cherche à capter bien plus que l'effervescente qualité de la lumière du soleil. Les artistes, en effet, font tous deux allusion au passage du temps, chacun dans sa série de toiles. L'ombre dans Chézy, Valley of the Marne, qui gagne lentement du terrain à partir du bas de l'image, est là pour nous rappeler le mouvement du soleil au-dessus des champs. À l'image de l'ombre sur un cadran solaire, Chézy, Valley of the Marne capte l'éphémérité de l'instant.

 

 

Claude Monet, Les Meules à Giverny, 1885

Huile sur toile, 24 1/2 x 31 7/8 po

Collection privée

 

Au départ, l'influence de Monet sur Clapp est profonde. C'est tellement vrai que, dans une lettre écrite en 1904 à Clarence Gagnon par William Brymner, le premier professeur d'art de Clapp le met en garde : « Dis-lui [à Clapp] que Monet est souvent bon, mais qu'il y en a d'autres. Et l'un de ces autres sera Clapp, éventuellement, et pas un Clapp-Monet. » (Boas, 1946) Tenant compte peut-être de ce conseil de Brymner, Clapp se distingue assez rapidement de Monet, comme on peut le voir, par exemple, dans sa façon de délimiter le paysage de Chézy, Valley of the Marne. La démarche de Clapp apparaît de manière plus claire dans sa définition d'un premier plan, d'un plan intermédiaire et d'un arrière-plan, qui a pour résultat de limiter l'écrasement des perspectives dans le plan pictural, un effet souvent présent chez Monet. Cette technique, dans Chézy, Valley of the Marne, amplifie l'impression qu'a le spectateur de la profondeur de la scène. L'artiste y a peut-être recours pour mettre l'accent sur la petitesse des travailleurs et pour les intégrer dans le paysage, au même titre que plusieurs autres éléments.

 

À son retour à Montréal, l'approche postimpressionniste de Clapp dans le traitement de la couleur et de la forme reçoit un chaleureux accueil, presque immédiatement. Moins d'un an après son arrivée, les critiques vantent son travail, « Chez l'artiste W. H. Clapp très original et très curieux des tons chantant des psalmodies brillantes, on appréciera tout ce que veut dire le mot ''peintre", c'est-à-dire l'homme né pour exprimer en couleurs des impressions de la vie [...] » (Montreal Star, 1909) Clapp devient même le baromètre utilisé pour évaluer l'imagerie impressionniste à Montréal, en 1910, dans une critique publiée par le Montreal Gazette sur les œuvres de l'artiste Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, présentées à l'exposition du printemps de l'Art Association of Montreal : « il n'est pas de la même école impressionniste d'avant-garde que représente M. Clapp, mais on note une progression vers les idéaux de l'impressionnisme. » (traduit, Montreal Gazette) Dès 1913, Clapp se trouve sur le devant de la scène de l'art moderne à Montréal. Dans une critique publiée sous le titre “Post-Impressionists Shock Local Art Lovers at the Spring Art Exhibition”, on dit de Clapp, comme de Maurice Cullen, qu'ils ont « réalisé de plus grands progrès que tout autre, vraisemblablement, parmi la jeune génération des artistes montréalais. » (traduit, Montreal Witness, 1913)

 

Après avoir reçu un accueil chaleureux de la critique à Montréal, Clapp s'installe en 1915 à Cuba, où il demeure et peint jusqu'en 1917. Il retourne ensuite à Oakland et devient le conservateur de l'Oakland Art Gallery (aujourd'hui l'Oakland Museum). Il est nommé directeur en 1920, un poste qu'il occupe jusqu'en 1949. En 1923, il fait partie d'un groupe bien connu de peintres californiens nommé la « Society of Six » et expose ses toiles avec le groupe jusqu'en 1928. Il est aussi membre du California Art Club, de l'Oakland Art League, de la San Francisco Art Association et de la Western Association of Art Museum Directors (1926) dont il devient président en 1928. De plus, pendant six ans il enseigne les arts à Oakland, dans l'école qu'il dirige, la Clapp School of Art.

 

Même si Clapp a beaucoup voyagé, c'est probablement son séjour à Paris qui a été le plus formateur. Témoin direct de la rupture du modernisme d'avec l'académisme français, Clapp rapporte avec lui cette expérience qui le suivra durant toute sa carrière, d'abord au Canada comme membre associé de l’Académie royale des arts du Canada, puis en tant que membre de l'American Society of Six. Même si Chézy, Valley of the Marne est particulièrement représentatif, et l'un des premiers et rares exemples de l'impact des modernistes sur l'art de Clapp, l'ensemble de son œuvre est tout aussi emblématique de la diffusion du mouvement moderniste dans le monde et de l'influence de l'impressionnisme et du postimpressionnisme en Amérique du Nord. 

 

© Galerie Alan Klinkhoff

 

Ouvrages cités :

1. « Art Exhibit Opens: Spring Exhibition of Canadian Works at Local Galleries Larger Than Ever Before », Montreal Gazette, 4 mai 1910.

2. Boas, Nancy. The Society of Six: California Colorists, University of California Press, 1998.

3. « Cartes Postales De Chézy-Sur-Marne (Aisne) », Photos et cartes postales anciennes de Chézy-sur-Marne, 02570, www.communes.com/picardie/aisne/chezy-sur-marne_02570/cartes-postales-anciennes.html.

4. « Chézy-sur-Marne », Aux Pays De Mes Ancêtres, www.auxpaysdemesancetres.com/pages/la-region-picardie/aisne-02/chezy-sur-marne.html.

5. Duval, Paul. Canadian Impressionism, M & S, 1990. 

6. « Le Salon du Printemps à l’Art Gallery », Montreal Star, 31 mars 1909.

7. « Post-Impressionists Shock Local Art Lovers at the Spring Art Exhibition », Montreal Witness, 23 mars 1913.

8. « Spring Exhibition », Montreal Star, 31 mars 1909.

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