Bloguele Janvier 27, 2015

Oeuvre célèbre de Morrice vendue par la Galerie Alan Klinkhoff

La Terrasse Dufferin, Québec: L'ouvre estivale canadienne la plus importate de Morrice

James Wilson Morrice natif de Montréal, habitant quelques temps Paris et ayant beaucoup voyagé, prenait le temps de visiter Québec et la Côte-de-Beaupré, chaque fois qu'il traversait l'Atlantique. Puisqu’il venait le plus souvent pour les fêtes de fin d’année, presque l'entièreté de ses tableaux canadiens représentent des scènes d’hiver.  Une seule pièce représente un paysage estival, La Terrasse Dufferin, Québec, peinte en 1910. Parmi tous ses tableaux, on trouve aussi une petite vue de la rivière Humber à Toronto, datée de 1894. Malgré qu'il ait passé un séjour de deux mois à l’été 1903 -au cours duquel il a retrouvé ses amis Maurice Cullen et Edmund Morris à Beaupré- l'été 1910 semble être le seul l'ayant inspiré une oeuvre.

 

 

James W. Morrice, La terrasse Dufferin, Québec, 

 

Le voyage de 1910 mène Morrice à peindre deux pochades: un portrait de son ami William Brymner chez lui à Saint-Eustache, près de Montréal (MBAM), et une vue de la Terrasse Dufferin et de son kiosque à musique depuis le Parc des Gouverneurs; c’est cette esquisse qui a inspiré l’artiste pour élaborer la présente toile.  Une troisième esquisse date peut-être de ce séjour, une vue nocturne du Château Frontenac et de la Terrasse (coll. privée; voir MBAM, rétrospective J.W. Morrice 1985, cat. no 24, erronément datée de 1897). Le 14 juin 1910, David Morrice Senior et Annie S. Anderson ont célébré leurs Noces d’Or. Leur fils, de toute évidence, souhaitait y assister, puisqu’il a noté le nom de trois paquebots quittant l’Europe pour New York au début de juin (MBAM, carnet #15, p. 58). Il embarque finalement sur le “S.S. La Lorraine” au Havre le 11 juin, débarquant à New York le 17, changeant aussitôt d'avis, il pris le train pour Montréal restant au Canada jusqu’à la fin de juillet! La toile La Terrasse Dufferin, Québec a été peinte à Paris, à temps pour l’exposition annuelle de l’ancien groupe de la Société Nouvelle, qui s’est ouverte en mars 1911. Deux ans plus tard, le marchand parisien Bernheim-Jeune l’inclut dans une sélection d’“Impressionnistes français” à la Sécession de Rome, où elle était accrochée à côté d’un Matisse. Elle est arrivée à Montréal en 1914, offerte à un club privé à la suite d’une souscription. Depuis, la toile a été vue dans toutes les grandes expositions consacrées à Morrice, ainsi que dans plusieurs autres, ce qui en fait l’une des oeuvres les plus connues de l’artiste.

 

 

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L’esquisse a été peinte rapidement, sans doute parce que l’artiste était déjà très familier avec le sujet: il l’avait dessiné au début de 1906 (MBAM, carnet #16 p. 50) et de nouveau trois ans plus tard, en février 1909 (MBAM, carnet #15 p. 26); cette fois, il avait aussi noté les couleurs sur un petit panneau de bois (MBAC 3192), qui lui a servi à la réalisation de sa magnifique Vue de Lévis depuis Québec, montrée pour la première fois au Salon de la Société Nationale (Paris) en avril 1909.

 

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Même si Morrice est demeuré bien au chaud à l’intérieur de l’hôtel, son esquisse témoigne du climat frigorifiant de janvier: peu de couleurs, peu de détails. Dans la version estivale, les couleurs coulent plus librement, et elles sont plus variées. A cette étape de son cheminement artistique, Morrice se servait de ses esquisses comme d’aide-mémoires: quelques touches lui ont suffi pour noter le kiosque à musique, l’arbre, la rive de Lévis. Il accorda  plus d’importance au détail de la zone centrale, de la rivière et du petit bateau. La composition de la toile reprend celle de l’esquisse, mais le résultat est très différent.  Contrairement aux compositions basées sur des horizontales strictes, telles la vue hivernale de 1909 (Vue de Lévis depuis Québec) ou les multiples Quai des Grands-Augustins, Paris que Morrice a peint depuis 1904. Dans cette oeuvre-ci, les lignes principales sont légèrement diagonales, surtout celles de la rive opposée. Des couleurs vives et gaies soulignent ce dynamisme, et nous sommes loin des habituels paysages “atmosphériques” de Morrice.

 

En fait, ce tableau rappelle les tableaux des Fauves que l’artiste canadien a vu au Salon d’Automne 1905. Mais il ne pouvait pas renoncer entièrement à son tempérament d’anglo-saxon protestant: le feuillage s’étire de manière un peu artificielle s'étalant sur toute la largeur de la toile – ramenant l’arrière-plan à sa surface –. Il semble également qu’il ait utilisé une règle pour dessiner le garde-fou et le trottoir.  Le kiosque à musique, qui en réalité est posé sur le gazon et non sur la terrasse, est également tracé au cordeau, et probablement basé sur une photo pour les détails.  Tout ceci est normal dans une composition où l’effet global est plus important que les détails. Le résultat est  magnifique, un véritable rayon de soleil dans la production canadienne de Morrice. 

 

 

Copyright© Lucie Dorais, novembre 2014

 

Madame Dorais a fait une maîtrise en arts à l’Université de Montréal en 1980 dont la thèse portait sur la vie et la carrière de James Wilson Morrice. Elle a réussi sa vie professionnelle au ministère des Archives nationales du Canada. Aujourd’hui retraitée, elle est considérée par les universitaires, les collectionneurs et les marchands d’objets d’art comme la meilleure chercheuse sur James Wilson Morrice. Madame Dorais continue de colliger de l’information sur l’artiste, y compris le catalogue raisonné de son œuvre.    

 

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