Bloguele Mars 16, 2013

L'existence des maisons de ventes aux enchères menacée, d'après le New York Times

Contraction en objets d'art, ventes de plus en plus rares, frais généraux trop coûteux parmi les raisons.

 

Dans l'édition mondiale (Global Edition) du New York Times du week-end dernier (9 et 10 mars), mon rédacteur d'articles d'art préféré de tous les temps, Souren Melikian, a écrit ce qui suit (traduction libre): « Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les marchands d'art dominaient le marché. Puis, au début des années cinquante, les galeries ont commencé à perdre du terrain au profit des maisons de vente aux enchères qui, quelque 20 ans plus tard, sont devenues la locomotive qui a fait grimper les prix indéfiniment dans tous les secteurs d'activité liés aux arts. La contraction drastique au chapitre de l'approvisionnement en objets d'art des siècles passés qui a prévalu au cours des cinq dernières décennies menace aujourd'hui l'existence même de ces maisons de vente aux enchères, et ce, à tel point qu'il n'y aura sans doute pas, à court terme, sur le marché suffisamment d'objets d'art pour garantir la rentabilité et, donc, la viabilité de ce coûteux système financier. »

 

Je pense personnellement pouvoir affirmer sans risquer de me tromper que l'on a déjà assisté à ce phénomène dans l'univers des encans ici même au Canada. « Les deux géants mondiaux, Christie's et Sotheby's, font tout ce qu'ils peuvent pour obtenir une plus grande part du « gâteau mondial des objets d'art » en remettant à de possibles vendeurs des estimations surévaluées pour leurs œuvres. Comme les prix deviennent de plus en plus élevés pour des œuvres de moins en moins de qualité, les ventes se font de plus en plus rares. Il s'agit d'une stratégie perturbatrice qui pourrait mener directement le marché des ventes aux enchères à la ruine. »

 

Chez nous, on n'a qu'à regarder ce qui s'est passé au cours des deux dernières saisons de ventes aux enchères pour constater des résultats similaires. En effet, si l'on remplace le nom de « Christie's » par celui d'autres maisons, on s'aperçoit que les observations ou pronostications de Melikian sont aussi vraies pour notre propre marché. Le fait que le nombre d'œuvres invendues ait atteint des niveaux records souligne bel et bien l'énormité du risque que prennent les propriétaires d'œuvres d'art qui acceptent de se prêter au jeu des ventes aux enchères.

 

Même si mes concurrents ont la cote, j'ai été attristé de voir Sotheby's plier bagage au Canada. Cela me rappelle vivement le cri d'alarme poussé par mon père à Jo Floyd, alors président du Conseil de Christie's, l'invitant à reconsidérer une décision semblable prise 40 ans plus tôt. La présence de l'un ou l'autre des géants mondiaux ou des deux sur le marché canadien des ventes aux enchères donnait l'impression que nos œuvres d'art avaient plus de valeur sur la scène internationale qu'à l'échelle nationale ou régionale. La décision prise par Sotheby's leur permet de se concentrer dorénavant sur leurs principales activités au pays, tout comme l'avait fait Christie's après avoir fermé les portes de sa division d'œuvres d'art au Canada; ce genre de situation a donné lieu du même coup à l'envoi d'importants lots d'objets d'art de toutes sortes, y compris des toiles, des articles en porcelaine, de l'argenterie, des bijoux, etc., à des maisons de ventes aux enchères de New York, Londres, Paris et Hong Kong pour ne nommer que ces villes-là.

 

Autrement dit, il n'y a plus assez d'objets d'art canadien de qualité au pays pour rentabiliser les ventes aux enchères. La concurrence observée sur le marché canadien de la mise en consignation d'œuvres d'art de qualité est rendue plus vive par le nombre limité de galeries d'art qui font des ventes de gré à gré comme la nôtre, la Galerie Walter Klinkhoff; ces galeries non seulement vendent les œuvres qu'elles ont en consignation, mais encore les vendent, la plupart du temps, à des taux de commission nettement inférieurs à ceux demandés par les encanteurs. De plus, ces mêmes galeries n'hésitent pas du tout à acheter sur-le-champ des œuvres d'art exceptionnelles pour les revendre pour leur propre compte, et ce, en payant très souvent aux vendeurs le prix le plus élevé auquel ils auraient pu s'attendre s'ils les avaient vendues aux enchères.

 

Si un vendeur reçoit une généreuse offre d'un revendeur, disons la Galerie Walter Klinkhoff, pourquoi irait-il la vendre à un encan? Pour le vendeur, les principaux attraits des ventes aux enchères sont de croire qu'il va gagner le gros lot comme à la loterie, qu'il va gagner davantage que ce que la Galerie Walter Klinkhoff a pu lui offrir d'une part et, d'autre part, de savoir qu'il bénéficie de la protection offerte par le prix de réserve. Puis, si ledit vendeur ne remporte pas le gros lot, il se dit qu'il pourra toujours la vendre, à moi par exemple, au prix dont nous avions convenu ou à un prix un peu moindre. Comme il est quasi impossible de revendre une œuvre achetée à un encan, nous n'en achetons que très rarement.

 

Selon Melikian, « le dommage commercial fait aux œuvres d'art qui ne trouvent pas preneur auprès du public est ignoré volontairement par les maisons de vente aux enchères et passé sous silence dans les médias qui se limitent obligeamment à publier leurs pompeux communiqués. » Pour une œuvre d'art, le fait de ne pas trouver preneur à une vente aux enchères nuit considérablement à sa commercialité à moyen terme. Le risque lié à une vente aux enchères est important et assumé uniquement par le vendeur. Si vous cherchez une bonne raison pour faire affaire avec un marchand d'art réputé et expérimenté, pensez à la réflexion de Melikian suivante (traduction libre) : « Le gros bon sens vous dicte qu'une maison de vente aux enchères ne peut vous donner des avis impartiaux. Je n'en ai jamais entendu une déclarer qu'une œuvre était trop médiocre ou encore que son estimation était exagérée. À conditions égales, un bon marchand d'art vous fera une offre plus juste parce qu'il ne veut pas que son client coure le risque de recevoir une estimation contraire un peu plus tard. »

 

Melikian ajoute que la diminution du nombre d'œuvres d'art sur le marché et que les changements de mode de vie, par exemple les sérieux acheteurs d'objets d'art qui quittent la ville le week-end pour se rendre à leur chalet, ont eu une incidence même auprès des grandes galeries d'art qui ont vu leur achalandage diminuer grandement. À cela, je me permets de vous faire remarquer que l'adresse qui figure sur la porte principale de nos galeries a, de nos jours, moins d'importance que l'adresse URL puisque les collectionneurs ont la possibilité de visiter des galeries en ligne, 24 heures par jour, à longueur d'année. Melikian note aussi que la vénérable maison londonienne Colnaghi spécialisée dans la vente d'œuvres d'art de grands maîtres décédés a fermé sa « salle d'exposition style musée au rez-de-chaussée pour se réfugier à l'étage. » Cela signifie pour les galeries d'art, celles qui achètent et vendent des œuvres d'art réalisées par des maîtres décédés de générations précédentes (par opposition à celles qui vendent des objets d'art au « détail ») qu'elles doivent être conscientes de cet appauvrissement de l'approvisionnement en œuvres d'art de qualité collectionnables.

 

À vrai dire, compte tenu du marché actuel, je ne crois plus que les galeries d'art classiques d'importance aient besoin de louer de coûteux locaux comme celles d'hier le faisaient. Les temps changent… Nous invitons les vendeurs de précieux objets d'art canadien ou autre à nous consulter en toute confidentialité. Notre prochaine exposition commerciale d'œuvres d'art canadien de qualité aura lieu à la fin de ce mois-ci. Vous pouvez nous visiter à info@klinkhoff.com ou nous téléphoner au (514) 284-9339.

Copyright © Galerie Walter Klinkhoff, 2013

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