Bloguele Juillet 29, 2009

La Vente au privé diminue les risques

Réflexion sur le marché de l’art canadien

« Il est clair que la majorité des ventes réalisées sur le marché des objets d’art seront de moins en moins publiques et qu’elles se feront davantage sur le marché des marchands d’art » - Neal Meltzer, marchand d’art et ancien chef du service des objets d’art contemporain de la maison Christie's.

 

PAR ALAN KLINKHOFF, 29 juillet 2009

 

Je ne peux me rappeler une saison de ventes aux enchères où les responsables de deux encans ne sont pas parvenus à vendre l’objet d’art figurant sur la page couverture de leur catalogue! (Cependant, je me dois de corriger une inexactitude que j’ai écrite dans notre bulletin d’information précédent et dans lequel j’affirmais qu’une troisième maison d’encan, qui était parvenue à vendre la peinture représentée sur la page couverture de son catalogue, n’avait pas été en mesure de vendre son œuvre d’art la plus chère. (J’étais dans l’erreur et vous prie de m’en excuser.) Une quatrième vente aux enchères, qui s’est déroulée après la parution de mon dernier bulletin d’information, a de fait enregistré de bons résultats, et dans certains cas des prix records.

 

Toutefois, lorsque j’analyse ces chiffres d’un peu plus près, je me rends compte que les prix n’étaient pas particulièrement élevés. Dans des bulletins d’information antérieurs, j’ai mentionné qu’outre la conjoncture économique à laquelle les Canadiens font face actuellement, un des principaux facteurs qui, à mon avis, expliquait la faiblesse des prix était la surabondance d’objets d’art offerts sur un marché aussi petit que le nôtre et en si peu de temps. Bien sûr, dans une économie contractée comme celle du printemps 2009, le « problème » ne fait que s’amplifier.

 

J’ai également écrit que je croyais qu’il n’était pas avantageux pour les consignateurs d’organiser une vente de plusieurs œuvres réalisées par le même artiste - même si cela peut créer une saine concurrence pour la meilleure œuvre de l’artiste en question - parce que cela a pour effet de diviser les acheteurs potentiels face aux autres objets d’art proposés, ce qui entraîne généralement une chute relative des prix, accompagnée peut-être de quelques ventes ou achats. Par exemple, une maison d’encan a récemment vendu une authentique et magnifique huile sur toile d’ Emily Carr, à prix d’or, à un prix record; cependant, trois autres de ses Emily Carr se sont vendues à des prix très médiocres, tandis que deux autres n’ont pas trouvé preneur. Je ne peux pas m’empêcher de penser que chercher à vendre sept Emily Carr en une seule séance de vente relève de l’impossible.

 

De plus, il y a un autre phénomène, plus récent celui-là, que je dois ajouter à l’équation. Jusqu’à tout récemment, les œuvres d’art - au sujet desquelles j’ai écrit qu’elles avaient été vendues à vraiment vils prix - auraient dû, normalement, être « achetées en vitesse » par des marchands d’art aux fins de revente. Je me souviens fort bien de certains objets d’art que nous avons achetés pour une bouchée de pain et que nous avons revendus peu de temps avec un profit raisonnable. De nos jours, on peut facilement suivre les prix payés lors de ventes aux enchères en s’abonnant tout simplement à l’un des bons sites commerciaux que l’on retrouve sur Internet; cette situation a aussi pour effet de rendre la vie plus difficile tant aux collectionneurs qu’aux marchands d’art qui ne peuvent revendre leurs objets d’art, du moins pas à court terme, et ce, même si eux ou nous ne les avons pas payé cher.

 

En toute sincérité, je suis d’avis que les toiles achetées lors d’un encan sont des nuisances parce qu’elles sont très difficiles à vendre! Je ne crois pas que nous soyons les seuls à éprouver de la difficulté à revendre même les toiles bon marché achetées à un encan. Oui, vous allez nous voir, nous et bon nombre de nos collègues, acheter à des ventes aux enchères mais, malgré ce que certains d’entre nous peuvent vous dire, je gagerais ma chemise que, plus souvent qu’autrement, ils ou nous achetons en tant qu’agents pour leurs ou nos clients et non pas pour se ou nous constituer des stocks d’œuvres d’art.

 

Avis aux vendeurs : ce message s’adresse à vous directement. Nous allons vous payer plus cher, nettement plus cher que ce que nous paierions à l’occasion d’un encan, pour vos œuvres d’art de la meilleure qualité et qui sont nouvelles sur le marché. (Les lots d’objets d’art invendus ou achetés à un encan sont encore plus difficiles à vendre.) Laissez-moi vous raconter une expérience vécue récemment et qui illustre bien mon point : à la fin de l’automne dernier, nous avons acheté à un encan une magnifique composition de Cornelius Krieghoff, , une toile originale et dans un état impeccable, qui révélait toute la brillance du maître, mais qui était masquée par un ancien vernis vieux de 160 ans.

 

Avant d’en faire l’acquisition, nous avons retenu les services d’un restaurateur professionnel pour nous confirmer notre opinion quant à l’état de la toile et à son potentiel après nettoyage. Forts de sa confirmation, nous avons acheté ladite toile intitulée « In the Mountains Below Quebec » a 40 % de moins que ce que nous étions prêts à payer. Puis, nous l’avons remise au restaurateur qui l’a nettoyée et réencadrée. Ensuite, nous avons mis une représentation de la toile sur notre site Web et avons accroché l’originale sur les murs de notre galerie.

 

Vous ne pouvez pas vous imaginer la fierté que nous avons eue à présenter une peinture d’une telle qualité et d’une telle rareté à des collectionneurs d’œuvres d’art d’importance. Un nombre incalculable de personnes ont visité notre site Web ou encore se sont rendues en personne à notre galerie pour admirer « In the Mountains Below Quebec ». Bon nombre d’entre elles ont par la suite découvert où nous avions fait cet achat. Comme je l’ai suggéré ci-dessus, ça ne prenait pas la tête à Papineau pour ce faire.

 

Par ailleurs, si nous avions acheté cette toile d’un particulier à un prix nettement plus élevé dans l’espoir de la vendre à un prix encore plus cher, je suis sûr que la vente aurait pu se dérouler de façon plus efficace que celle-ci ne l’a été. Sur le plan psychologique, je pense que certaines personnes croient, étant donné qu’elles n’ont pas acheté la toile quand elles l’ont vue quelques mois auparavant, qu’elles n’auraient aucune raison de le faire maintenant, surtout pas à un prix supérieur.

 

En conclusion, je vous dis que la personne qui a acheté « In the Mountains Below Quebec » a fait une des plus belles acquisitions d’objet d’art canadien que j’ai vue de ma vie. Au cas où cela vous aurait échappé, je me permets de vous relater une citation de Neal Meltzer, marchand d’art et ancien chef du service des objets d’art contemporain de la maison Christie's, diffusée sur CNBC Europe : « Il est clair que la majorité des ventes réalisées sur le marché des objets d’art seront de moins en moins publiques et qu’elles se feront davantage sur le marché des marchands d’art et sur le marché secondaire. Il s’agit d’une phase typique d’un cycle d’emballement et d’effondrement. Au stade de l’effondrement, tout est question d’aversion au risque. »

 

Au cours du même communiqué qui en était rendu à parler du marché de l’art à l’international, CNBC a cité Clare McAndrew, de Dublin, dirigeante de la société de recherche et de consultation Arts Economics, qui avait déclaré : « Les maisons de ventes aux enchères font de plus en plus affaire avec des particuliers… et achètent même des galeries d’art pour participer aux foires d’art. » Comme devoir de lecture, je vous suggère l’ouvrage The Art Economy: An Investor’s Guide to the Art Market (Liffey Press), Clare McAndrew, publié l’an dernier.

 

En terminant, je vous signale que je continue d’être étonné par l’arrivée et l’essor des marques Sotheby's et Christie's au sein du marché immobilier résidentiel au Canada. La première fois que j’ai vu une de leurs enseignes dans notre voisinage, je me suis dit : « Incroyable, ils vendent maintenant des maisons à l’encan. » !" Essentiellement, Sotheby's Canada impartit depuis plusieurs années la vente de ses objets d’art au Canada à une maison de ventes aux enchères de Toronto; il s’agit d’un arrangement qui est sur le point de se terminer. Quant à la société Christie’s, elle n’a plus de bureaux au Canada et n’a pas été présente sur le marché de l’art canadien depuis plus de 35 ans. 

 

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En ce début d’été, je me permets de vous parler brièvement du printemps fort occupé que nous venons tout juste de terminer avant de me consacrer pleinement à l’automne qui s’annonce particulièrement chargé avec une exposition rétrospective sans but lucratif mettant en vedette Paul Vanier Beaulieu à compter du 12 septembre, laquelle sera suivie de deux autres expositions, à but commercial celles-là, destinées à célébrer le talent de Laurie Campbell et de Danielle Lanteigne. Mais entre-temps, nous avons le plaisir de vous présenter une sélection de six superbes toiles de Marc-Aurèle Suzor-Coté, un des artistes canadiens les plus talentueux et réputés de la fin du XIXe siècle.

 

Cette magnifique sélection comprend, entre autres, une peinture qui, selon nous, n’a jamais été exposée. Il s’agit d’une éblouissante composition représentant trois jeunes Québécois, sans doute d’origine bourgeoise et plutôt bien vêtus, ou encore des ados dans une pièce - avec leurs chapeaux de paille accrochés sur le mur arrière et l’un d’eux assis devant un journal ouvert - baignant dans un magnifique éclairage naturel assuré par une fenêtre ouverte qui, en plus, met en valeur les fleurs qui se trouvent sur le bord de la fenêtre. Manifestement, c’est un chef-d’œuvre de l’art canadien, rien de moins, réalisé en 1896. Cette toile, que nous avons baptisée « Adolescents lisant », complète à merveille cette belle sélection de six toiles de Suzor-Coté que nous vous invitons à vous procurer.

 

Nous profitons également de cette occasion pour vous proposer de jeter un coup d’œil sur nos plus récentes acquisitions qui sauront sûrement plaire aux amateurs d’art et aux acheteurs avertis. Revenons maintenant aux activités du printemps. D’entrée de jeu, je vous dirais que les résultats qu’ont connus les responsables de quatre ventes aux enchères d’objets d’art canadien qui ont eu lieu en mai et en juin permettent d’en arriver à la conclusion qu’aucun prix record n’a été atteint, sauf pour quelques rares exceptions évidentes qui ont fait l’objet de communiqués diffusés par les maisons d’encan en question.

 

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