Paysage d’automne à Arthabaska, 1909
Inscriptions
signed, ‘A. Suzor-Cote’ (lower left)Provenance
Watson Art Galleries, Montreal
Acquired from the above by a "Stuart" family
By descent, Stuart family, Kamloops
Galerie Walter Klinkhoff Inc., Montreal
Acquired from the above by a Distinguished Montreal Collector, 1995
Documentation
Power Financial Corporation, Annual Report 2002 (Montreal: Power Financial Corporation, 2003), 22 [reproduced].Laurier Lacroix, Suzor-Coté: Lumière et matière (Montréal: Éditions de L’Homme, 2002), 187 [reproduced].
L’année 1909 marque un tournant dans la carrière professionnelle de Suzor-Coté. Le peintre rentre en mars d’un séjour de six mois en Virginie où il a été invité à décorer la breakfast room de la villa de Thomas Fortune Ryan à Oak Ridge dans les montagnes Bleues (Blue Ridge). Le milliardaire, un immense collectionneur, a possiblement fait la connaissance de Suzor-Coté par le biais des Pères du Saint-Sacrement qui officiaient à l’église Saint-Jean-Baptiste à New York dont la construction est financée par Ryan. Cette commande est l’occasion pour le peintre de pousser plus avant son expérience picturale et utilisant la technique de la touche picturale divisée qu’il avait adoptée pour ces tableaux en forme de lunettes. Les quatre paysages sont nichés dans la partie supérieure de la pièce et ils épousent une forme semi-circulaire qui demande d’adapter le sujet au format arrondi. Suzor-Coté a déjà expérimenté la technique issue du pointillisme qui consiste à juxtaposer des touches picturales de couleurs différentes (ex. La Vallée de Senlisse, 1906, MNBAQ). Jamais cependant il ne l’avait encore utilisée de manière aussi systématique et contrôlée qu’à Oak Ridge qui exige une étude particulière de l’organisation de l’espace du tableau en fonction de son format.
Riche de cette expérience avec la matière colorée, l’artiste entreprend à l’été 1909 une série de paysages de format horizontal inspirée par la nature des environs d’Arthabaska. Deux fois plus long que large, ces surfaces offrent une vue panoramique du paysage, format qui annonce celui que favorisait Jean Paul Lemieux pour faire ressentir l’immensité du paysage canadien et la solitude de ses personnages. Suzor-Coté n’est pas un peintre de la mélancolie et cette suite de tableaux rend hommage le soleil du midi et confère un sentiment de chaleur et de bien-être.
La teinte rousse des arbres sur la droite laisse imaginer que ce sont des chênes, alors qu’un peuplier s’élance dans le ciel sur la gauche et que d’autres espèces se profilent au loin. Au centre, quelques vaches paissent. Toute la surface est dynamisée par les touches très marquées qui, dans un mouvement oblique, suggèrent la direction d’un vent léger qui vibre et caresse toute la surface du tableau.
La disposition générale épouse une vaste ligne d’horizon placée très bas et qui intègre le spectateur dans la scène. Délaissant les collines d’Arthabaska, le peintre se concentre sur la plaine et sur l’espace infini qu’elle dégage. Comment alors animer ce plateau dépouillé. L’art de peindre, la couleur et un rythme insufflé à la composition répondent à cette difficulté. La disposition d’arbres seuls ou de bosquets disposés irrégulièrement accentue la profondeur de l’espace et sa vastitude. Le regard et l’esprit respirent dans cette immensité et Suzor-Coté fait chanter les couleurs d’un été finissant.
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Note de bas de page:
[1] Quatre autres exemples de cette suite de tableaux sont reproduits dans L. Lacroix, Suzor-Coté, lumière et matière, Montréal, Québec, Ottawa, Les Éditions de l’Homme, Musée du Québec, Musée des beaux-arts du Canada, 2002, p. 188-191.
Laurier Lacroix
Laurier Lacroix, C.M., est professeur émérite de l’Université du Québec à Montréal où il a enseigné l’histoire de l’art et la muséologie. Parmi ses réalisations, notons les expositions consacrées à Ozias Leduc et à Suzor-Coté, ainsi que celles portant sur la peinture à Montréal entre 1915 et 1930, Les arts en Nouvelle-France, le fonds des tableaux Desjardins, L’atelier comme création. Histoires d’ateliers d’artistes au Québec et Montréal en devenir – Duncan (1806-1881), peintre du 19e. Il s’intéresse également à l’art contemporain et a agi, entre autres, comme commissaire d’exposition des œuvres d’Irene F. Whittome, Marc Garneau, Pierre Dorion, Guy Pellerin, Robert Wolfe, Micheline Beauchemin et Lisette Lemieux. Récipiendaire du Prix Carrière de la Société des musées québécois et du Prix Gérard-Morisset, Laurier Lacroix est membre de la Société des Dix et de l’Académie des lettres du Québec