« Les critiques ont décidé au début qu'il n'y avait rien à craindre de nous, les filles. Qui sommes-nous, que des amateurs? Des femmes sans hommes, qui ont eu le chance d'étudier avec des gens talentueux. Qui est né à Ypres et à Vimy et Passchendaele. [...] Nous avons peint parce que nous devions. Pas financièrement, mais parce qu'il a rempli nos jours et satisfait nos âmes. » Mabel Lockerby, dans une lettre à son cousin Ernest McKnown.

Mabel Irene Lockerby nous laisse peu d'information à son sujet. Sa famille faisait partie des quartiers cossus du Montréal anglophone de la fin du XIXe siècle. Son père qui décéda subitement en 1915, leur laissa un revenu confortable, qui lui permit de se consacrer à sa peinture. Deuxième d'une famille de sept enfants, dont quatre filles parviennent à l'âge adulte, Mabel deviendra de par sa nature le « chef » de famille.

 

Elle étudie à l'école du Art Association of Montreal à partir de 1902, où elle fut, avec Mabel May, l'un des premiers étudiants féminin. Elle y restera jusqu'à dans les années 1910. À l'occasion de se première présentation de dossier d'artiste et de son curriculum vitae, Lockerby décide de se rajeunir de 5 ans. Ce qui aura tôt fait de confondre de nombreux experts quant à son âge réel. Elle participera à de nombreuses expositions au cours de sa carrière mais elle ne semble pas avoir eu d'exposition solo.

 

Si certaines de ses compositions de scènes villageoises sont un reflet de ce que le Groupe du Beaver Hall peignait, d'autres sont définitivement des sujets plus personnels. Elle fut certainement influencée par les courants dominants de l'Europe, mais ces gouaches, qui se retrouvent dans l'exposition, démontrent une interprétation unique de ces courants. Par exemple, on ne peut que remarquer le caractère Art Déco du tableau Leda et le cygne (n.d.).

 

On peut reconnaître un tableau de Mabel par le caractère central de ses sujets. Sa composition met l'accent sur un thème donné en le plaçant en avant plan  et en le dégageant d'un fond quasi abstrait, comme on le remarque dans View of Tree ou Apple Tree.

 

Comme toute une et chacune, Mabel a servi de modèle à ses compagnes du Groupe du Beaver Hall, en particulier à Prudence Heward. On connaît officiellement deux œuvres qui dépeignent Mabel, Miss Lockerby (1924) et At the Café (n.d.). Demeurant sur la même rue que Sarah Robertson elles ont partagé plusieurs séances de croquis dans les rues de Montréal et aux alentours. Amoureuse des animaux, elle apprécia sûrement ses séjours à la ferme de sa sœur Florence Mullen, à Hudson.

 

Ce petit bout de femme fantaisiste nous surprend autant par son style artistique que par son choix de vie. En effet, il est peu coutumier à cette époque de partager des moments intimes avec un homme, sans y être mariée, et cousin de surcroît. Même ce dernier affirme qu'ils s'étaient secrètement mariés avant son départ pour la guerre, il n'en demeure pas moins que leur escapade ne devait pas plaire à tout le monde. Si ses tableaux sont souvent naïfs et enfantins, Mabel Lockerby était quant à elle, une femme délurée qui assumait sa sexualité.

 

Source: Catalogue de l'Exposition Groupe Beaver Hall, pour Les Auxiliaires de L'Institut Thoracique de Montréal, Galerie Walter Klinkhoff (2007).

 

© Galerie Walter Klinkhoff Inc

 

Lire davantage
Close