BlogDecember 7, 2016

"Bateaux-vapeurs en hivernation, à Lévis", (1873) par John B. Wilkinson

Depuis l’acquisition du Cône de glace de la chute Montmorency par la Galerie Alan Klinkhoff (mise en ligne le 3 février 2016), nous connaissons mieux la carrière et la production du peintre britannique John B. Wilkinson, notamment son séjour d’une dizaine d’années à Québec, à partir de 1864 (1). Cette aquarelle est signée et datée de 1873. Rappelons que cette année-là, Wilkinson publie deux dessins sur l’excursion en sleigh du gouverneur général, Lord Dufferin, à Montmorency, dans le Canadian Illustrated News du 25 janvier. Mais, en mars, l’artiste, par manque de travail, doit quitter Québec pour s’établir à Philadelphie. On peut donc précisément dater l’aquarelle de l'hiver 1873. 

 

Comme ce fut le cas pour le Cône de glace de la chute Montmorency, Wilkinson va laver en aquarelle, spécialité de l’artiste, des scènes de genre hivernales, à la signature caractéristique, qui s’inscrivent dans une iconographie locale à la mode, mais avec toutefois un regard qui lui est bien singulier. Cela est aussi particulièrement évident dans Bateaux-vapeurs en hivernation, à Lévis.

John B. Wilkinson, Bateaux-vapeurs en hivernation, à Lévis, 1873, aquarelle, 19.1 x 26.7 cm, Collection privée, Toronto.

 

Grâce aux clichés des Notman, Henderson et Vallée, les représentations de bateaux-vapeurs sont bien présentes dans la photographie de la fin du XIXe siècle. Par contre, le sujet est très rare en peinture (par ex. Le vapeur Québec de C. Krieghoff, 1853, Art Gallery of Ontario, coll. Thomson) et en aquarelle. De surcroît, en hiver ! Wilkinson a lavé son dessin sous un ciel sombre chargé de nuages de neige, en bas de l'un des quais de bois, placé directement sur le fleuve gelé, à l'entrée du pont de glace. L’on peut voir, à gauche, un habitant assis sur un bloc de glace placé sur une traîne à bâtons, tirée par un cheval, et, à droite, trois mâts de navires dépassant la falaise glacée. Les mares d’eau, aux pieds du quai, laissent supposer un redoux ou le dégel de mars.

 

La composition met bien en valeur deux vapeurs, avec leurs hautes cheminées noires et leurs énormes tambours recouvrant les roues à aubes, qui hivernent, emprisonnés dans la glace, en attendant les beaux jours... À gauche, la proue d’un bateau, par conséquent, impossible à identifier en raison de son lettrage inscrit à l’arrière ; à droite, tout au centre, la silhouette massive de la poupe d’un vapeur à deux ponts, avec l’inscription du St. George, baptisé en l’honneur du saint patron de l’Angleterre. Il y a eu plusieurs navires portant ce nom au Québec. Il s’agit bien ici d’un vapeur à roues à aubes construit à Lévis en 1864 et enregistré par la St. Lawrence Towboat. Il mesurait 83 pieds de long par 25 pieds de large et jaugeait 203 tonneaux. Le St. George appartenait à la St. Lawrence Towboat Co. jusqu’en 1877 alors qu'il devient la propriété de la Quebec & Lévis Ferry Co. Le traversier assurait la liaison entre Québec et la ligne du Grand Tronc, sur la rive sud, tout en offrant aussi des excursions sur le fleuve. Aussi, la vue de Wilkinson a sans doute été prise à la pointe De Lévy, près de la gare du Grand Tronc et de l’anse à Tibbits, en direction est. Mentionnons que le vapeur a été mis à la casse, c’est-à-dire à la ferraille, en 1880. 

 

Voilà une autre aquarelle intéressante et inusitée de Wilkinson, de surcroît bien lavée et bien conservée. L’ensemble, aux couleurs d’une grande fraîcheur, dénote une fois de plus la maîtrise de la technique - même en hiver ! - étant traité tout en finesse avec un dessin assuré et des touches délicates. Il s’agit sans doute là de l’une des dernières œuvres canadiennes de l’aquarelliste britannique (2). À sa suite, d’autres artistes canadiens du tournant du XIXe siècle, tels Cullen, Huot et Morrice, vont représenter des traversiers vapeurs à Québec, en hiver, notamment au bassin Louise, mais cette fois dans une esthétique résolument moderne.

 

Avec mes remerciements à Alain Franck, ethnologue et conservateur au Musée maritime du Québec, à L’Islet-sur-Mer, pour ses précieuses informations transmises sur le St. George.

 

Notes: 

  1. Voir Mario Béland, Le Cône de glace de la chute Montmorency de John B. Wilkinson, mise en ligne sur le site web de la Galerie Alan Klinkhoff, Montréal et Toronto, le 3 février 2016 de même que « John B. Wilkinson à Québec », Cap-aux-Diamants, no 125 (printemps 2016), p. 40.https://www.erudit.org/culture/cd1035538/cd02559/82505ac.html?vue=resume&mode=restriction

  2. Par ailleurs, on retrouve sur le site Artnet, une vue intitulée Vessels in pack-ice, une huile sur carton signée par l’artiste et montrant des voiliers en hivernation au pied du cap Diamant, à Québec. http://www.artnet.com/artists/john-b-wilkinson/vessels-in-pack-ice-GC4ePKTMTgtIWowcRg94Jw2

 

 

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